Par Céilí Boudignon
Introduction
Comme l’a dit António Guterres, actuel Secrétaire Général de l’ONU, “Il ne saurait y avoir de pleine démocratie sans accès à une information transparente et fiable”. Comme le montre cette citation, les journalistes jouent aujourd’hui un rôle primordial dans la garantie de la liberté de la politique et de la population en général. Les institutions régionales et internationales permettent une connaissance globale de leur statut important et une organisation de leur protection (par le biais de lois internationales et d’autres réglementations). Ils ont pour priorité d’inciter et d’exiger des États qu’ils respectent la liberté d’expression et interdisent les discours de haine, en évitant de restreindre le travail journalistique sous des prétextes tels que la sécurité nationale ou le terrorisme. Ils travaillent constamment sur les scènes nationales et internationales pour faire la différence entre les deux situations et permettre aux populations du monde entier de participer et de réagir aux événements mondiaux.
Les Nations unies, en tant qu’organisation internationale la plus importante, ont un rôle essentiel à jouer pour assurer la sécurité impérative des journalistes. Pour ce faire, diverses initiatives ont été lancées afin de motiver les politiques et le cadre juridique correspondants. Étant donné que les journalistes garantissent la liberté d’expression, qui est un droit de l’homme essentiel, leur protection et leur rôle dans le développement mondial sont inclus dans les Objectifs de Développement Durable (lancés en 2015). Plus précisément, la 10ème cible du 16ème objectif (basé sur la paix et la sécurité) reconnaît que l’accès à l’information est un catalyseur pour l’exercice des droits de l’homme et les progrès en matière de développement durable.
Le Plan d’action des Nations Unies pour la sécurité des journalistes et la question de l’impunité (lancé par l’UNESCO en 2012), qui oriente et encourage les poursuites judiciaires pour les crimes commis contre la profession, ainsi que l’éducation sur le sujet, est davantage destiné aux journalistes proprement dits. Des institutions spécifiques en son sein ont également pour mandat de protéger et de promouvoir les droits de l’homme (et ceux des journalistes et des professionnels des médias par la même occasion), comme la Haute Commission des Nations unies ou le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression. Enfin, certains pays peuvent être à l’origine d’initiatives en faveur du journalisme, comme lorsque la France a lancé en 2016 le Groupe des Amis des Nations Unies pour la protection des journalistes, qui compte aujourd’hui 23 pays membres.
Les textes fondamentaux pour les journalistes dans le droit international
Comme il a été mentionné précédemment, les textes définissant les droits de l’homme sont souvent essentiels à la protection des journalistes (en raison de la profession qui assure la liberté d’information). Le texte le plus important et le plus général est la Déclaration universelle des droits de l’homme (de 1948), mais les conventions régionales revêtent également une grande importance, comme la Convention européenne des droits de l’homme, la Convention américaine relative aux droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966, est également un élément important des principes énoncés ci-dessus.
Les journalistes en zone de conflit
En particulier, les journalistes de conflit doivent être une priorité dans ces règles et règlements. Le contenu qu’ils créent, qu’il soit écrit, vidéo ou autre, est souvent au cœur de l’opinion publique, car il peut être le plus choquant.
Comme ils ont la responsabilité de rapporter exactement ce qui se passe, ils se retrouvent au milieu des dangers de la guerre – ils peuvent être pris dans des bombardements ou des échanges de tirs (même s’ils ne les visent pas directement) ou se retrouver entre les mains des forces de l’un ou l’autre camp (ils sont arrêtés ou victimes de disparitions, souvent en raison de leur travail). Malgré ces risques, il est essentiel que ce travail soit effectué, car les vidéos, les images et les autres médias transmis permettent de révéler les violations des droits de l’homme et les crimes de guerre, ce qui permet à la communauté internationale de prendre des mesures et de fournir des preuves importantes pour les futurs tribunaux.
Il est donc important de définir le statut des journalistes dans une zone de conflit, ainsi que ce qui peut les exclure de la protection internationale (car, particulièrement aujourd’hui, la ligne de démarcation entre combattants et civils peut être floue). Une première définition a été donnée dans la Convention de Genève du 27 juillet 1929, incluant les « correspondants de journaux ». Dans son article 81 notamment, les individus « qui suivent les forces armées sans en faire partie » et qui tombent aux mains de l’ennemi, bénéficieront du même traitement que les prisonniers de guerre (pour autant qu’ils aient la preuve de leur fonction fournie par les forces qu’ils accompagnaient). Une deuxième définition du statut du journaliste dans un conflit a été donnée par les normes annoncées par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en 1996, à travers la Recommandation sur la protection des journalistes dans les situations de conflit et de tension. Cette recommandation stipule qu’un journaliste comprend “toutes celles et ceux qui participent à la collecte, au traitement et à la diffusion de nouvelles et d’informations, y compris les opérateurs de prises de vues et les photographes, ainsi que le personnel de soutien tel que les chauffeurs et les interprètes”. Mais, comme le statut est défini de manière très précise, il est également nécessaire d’énoncer les cas où quelqu’un n’est plus considéré comme un journaliste. Aujourd’hui, si un journaliste suit de trop près une unité militaire, il peut perdre son droit à la protection, si cette dernière compte comme une cible d’attaque proportionnelle pour l’ennemi (tels qu’ils sont définis dans l’Article 51 de la IIIe Convention de Genève de 1929). Il perdrait la même immunité s’il s’approchait trop près d’une cible définie. En somme, si un journaliste désobéit aux limites qui lui sont imposées, il peut être accusé d’espionnage.
Ainsi, en tant que représentant de la communauté internationale, le Conseil de sécurité des Nations unies joue un rôle important dans la protection susmentionnée. Ainsi, en tant que représentant de la communauté internationale, le Conseil de sécurité des Nations unies joue un rôle important dans la protection susmentionnée. Le 23 décembre 2006, la résolution 1738 visant à prévenir les actes de violence à l’encontre des journalistes a été adoptée à l’unanimité. Elle réaffirme les principes fondamentaux de la protection des civils, déjà présents dans trois résolutions précédentes : 1265 (adoptée en 1999), 1296 (adoptée en 2000), et 1674 (adoptée en 2006). Plus tard, le 27 mai 2015, la résolution 2222 a été adoptée, renforçant la protection des journalistes et exhortant les États à respecter leurs obligations et à mettre fin à l’impunité pour les violations des droits de l’homme.
Les risques croissants menaçant les journalistes aujourd’hui
Cependant, malgré ce cadre étendu de protection internationale et de droit humanitaire mis en place par les organisations internationales et les grandes puissances étatiques, il reste encore de grands progrès à faire. Selon l’UNESCO, depuis 1993, plus de 1600 journalistes ont été tués (et près de 9 cas sur 10 n’ont pas été résolus).
Comme ils exercent souvent leur métier dans des pays non-démocratiques, les journalistes sont exposés à toute une série de risques pour eux-mêmes et pour les informations qu’ils ont pu recueillir. Pour les empêcher de faire leur travail ou de révéler des informations embarrassantes ou incriminantes, des journalistes ou d’autres professionnels des médias ont été victimes d’agressions physiques, d’enlèvements ou d’agressions physiques, d’nelèvements ou de menaces de tels actes et de harcèlement (y compris en ligne, les femmes journalistes étant particulièrement visées). Ils peuvent également être restreints et empêchés d’exercer leurs droits par des restrictions à la liberté de mouvement, une surveillance secrète ou des sanctions s’ils refusent de s’autocensurer.
L’internet devenant de plus en plus un moyen de transmission horizontale de l’information, les journalistes ont également été pris pour cible dans le cyebrespace. Un rapport de l’UNESCO datant de 2021 a révélé que 73% des femmes journalistes avaient été harcelées en ligne, et une enquête plus poussée a prouvé que ces éléments devaient être pris au sérieux, étant donné que 20% des victimes de ces situations finissaient par être agressées physiquement. La plupart des communications et des publications se font en ligne, ce qui rend les journalistes vulnérables au piratage ou à d’autres attaques de surveillance, comme le projet israélien Pegasus. Ce logiciel malveillant a été révélé publiquement en juillet 2021 et s’est avéré avoir ciblé plus de 180 journalistes de 20 pays. Il a été utilisé en particulier dans les pays où la liberté de la presse est fortement restreinte, comme l’Azerbaïdjan ou la Chine, mais aussi dans des pays occidentaux “démocratiques” comme le Royaume-Uni.
En tant que conflit le plus visible de ces dernières années, la guerre entre la Russie et l’Ukraine contient également de nombreux cas de violations des droits des journalistes. Qu’il s’agisse des victimes des opérations militaires dans la zone de guerre proprement dite ou de celles qui sont visées pour avoir critiqué le gouvernement, la liberté de la presse a considérablement souffert depuis le début de la nouvelle phase du conflit en 2022.
En Ukraine, plusieurs journalistes (locaux et internationaux) ont été tués ou gravement blessés lors de frappes militaires, dont beaucoup font l’objet d’une enquête pour crimes de guerre. C’est le cas de Frédéric Leclerc-Imhoff, journaliste reporter d’images, qui a été tué le 30 mai 2022 alors qu’il accompagnait un convoi humanitaire à Lysychans’k, dans l’est du pays. En Russie, selon Reporters Sans Frontières, des efforts considérables ont été déployés dans les médias afin de propager leur point de vue dans les territoires occupés du sud de l’Ukraine, ainsi que pour réprimer davantage les journalistes étrangers et les médias indépendants. Nombre d’entre eux sont interdits, bloqués ou déclarés “agents étrangers” lorsqu’ils sont arrêtés (souvent après avoir couvert des manifestations critiquant la gestion de la guerre, comme le mouvement des “500 jours de mobilisation”). Un cas international particulier est celui d’Evan Gershkovich, un journaliste américain du Wall Street Journal qui a été arrêté en mars 2023 pour espionnage et qui est détenu en Russie depuis lors.
De tels risques existent également dans d’autres pays post-soviétiques ou de l’ancien bloc de l’Est, comme en Pologne, notamment face à la nouvelle législation restrictive sur l’avortement annoncée en janvier 2021. De nombreuses répressions existent également au Kirghizstan, souvent à l’insu du grand public dans d’autres pays. Selon Reporters Sans Frontières, les personnes liées au journaliste d’investigation Bolot Temirov, précédemment expulsé, ont été arrêtées et accusées d’incitation à la désobéissance et à l’émeute, ainsi que de diffusion de “propagande en faveur de la guerre”.
Dans une autre partie du monde, depuis le Printemps arabe, la liberté des journalistes est également menacée en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. En Égypte notamment, il est extrêmement dangereux de critiquer le gouvernement, et ceux qui le font sont souvent arrêtés pour des motifs arbitraires. Au Yémen également, pays en proie à une guerre civile depuis 2014, des violations ont été commises par les deux parties. En avril 2020, les rebelles Houthis ont condamné à mort 4 journalistes accusés d’espionnage pour le compte de l’Arabie saoudite. En Juin 2020 également, un photographe nommé Nabil Hasan Al-Quaety a été assassiné devant son domicile à Dar Sad, dans le gouvernorat d’Aden, un crime qui n’a toujours pas fait l’objet d’une enquête à ce jour.
Dans un autre conflit central d’aujourd’hui, celui qui oppose Israël et le Hamas à Gaza, les journalistes ont égalemet été largement pris pour cible. Non seulement dans la bande de Gaza (où, sellon les rapports de l’ONU, plus de 122 journalistes et professionnels des médias ont été tués depuis le 7 octobre), mais aussi au Liban, où le conflit s’est éténdu en raison des affrontements entre l’armée israélienne et le Hezbollah (un groupe militant chiite soutenant le Hamas). Dans ce théâtre de conflit en particulier, le 13 octobre, une frappe israélienne (prouvée par une enquête indépendante) a tué le journaliste de Reuters Issam Abdallah et en a blessé six autres. Cette attaque fait actuellement l’objet d’une enquête pour crime de guerre.
Et lorsque l’on parle de journalistes dissidents ciblés au Moyen-Orient, il ne faut pas oublier le cas de Jamal Khashoggi, dissent saoudien et chroniqueur pour le Middle East Eye et le Washington Post, qui a été assassiné au consulat saoudien d’Istanbul le 2 octobre 2018.
Pour le dernier conflit dont nous allons examiner l’impact sur les journalistes, nous pouvoins parler de la situation en Syrie et en Irak due à l’État islamique, ainsi que de ses attaques terroristes projetées en Europe. L’année 2014 a été particulièrement meurtrière pour les journalistes de la région, coïncidant avec la création d’un califat par Daesh. James Foley et Steven Sotloff, deux journalistes américains indépendants enlevés en Syrie en 2012 et 2013, ont été exécutés, et au moins 15 autres journalistes ont également été tués. Ce contexte d’agressions contre les journalistes a été montré comme s’appliquant non seulement aux pays en conflit ou non démocratiques, mais aussi aux pays occidentaux, dans le cas des attentats contre Charlie Hebdo. Le 7 janvier 2015, après la publication de caricatures satiriques de Mahomet, 8 employés du journal français (et 4 autres) on été tués et 11 autres blessés par des auteurs liés à Al-Qaida dans la péninsule arabique.
Il convient de rappeler que les journalistes ne sont pas seulement en danger dans les pays considérés comme conflictuels, puisque des atteintes à leurs libertés se produisent également dans des pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni. Bien qu’il ne soit pas techniquement un journaliste, on peut rappeler le cas de Julian Assange, fondateur de Wikileaks qui a révélé au public en 2019 des preuves de crimes de guerre commis par les États-Unis en Afghanistan et en Irak. Après avoir passé 7 ans sous asile politique dans l’ambassade équatorienne à Londres, il a été arrêté et accusé notamment d’avoir violé la loi américaine sur l’espionnage de 1917 ainsi que d’avoir conspiré avec des hackers. Il est déténu dans une prison londonienne depuis avril 2019, et se bat contre les ordres d’extradition vers les États-Unis, car s’il est inculpé, il risque 175 ans de prison. Son cas met en lumière l’importance des sources journalistiques, et la façon dont elles peuvent entrer en conflit avec les intérêts de la sécurité nationale, en particulier ceux de pays puissants tels que les États-Unis.
L’action internationale essentielle pour la survie de la profession
Après avoir examiné ces différentes situations, nous pouvons véritablement reconnaître l’importance (et l’impact) de l’action internationale, comme dans le Plan d’action des Nations Unies (mentionné au début de cet article). Principalement, ils accomplissent des actions de prévention (comme des évènements de sensibilisation et des campagnes mondiales), de protection (en surveillant et en comptabilisant les attaques et les meurtres de journalistes), et, enfin, ils contribuent aux poursuites judiciaires (en aidant à réduire le pourcentage d’impunité dans les crimes contre la profession de 9% en dix ans).
Conclusion
Pour conclure cet article sur l’importance et les risques du travail journalistique (ainsi que leur inclusion dans le droit international), nous pouvoins mentionner la façon dont ils sont commémorés au niveau international. En décembre 1993, l’Assemblée générale des Nations unies a proclamé la journée mondiale de la liberté de la presse, qui aura lieu le 3 mai de chaque année. De même, la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes a lieu de 2 novembre de chaque année. C’est le résultat d’innombrables travaux réalisés par des militants individuels et des organisations internationales non gouvernmentales qui se consacrent à ce sujet, les plus importantes étant Reporters Sans Frontières (RSF), la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), et enfin l’Institut international pour la sécurité de la presse.
SOURCES :
https://onu.delegfrance.org/Protection-des-journalistes-12202
https://www.un.org/fr/safety-journalists
https://www.unesco.org/fr/safety-journalists/basic-texts
https://news.un.org/fr/story/2023/05/1134727
https://www.amnesty.org/fr/what-we-do/freedom-of-expression/
https://dictionnaire-droit-humanitaire.org/content/article/2/journaliste/
https://www.un.org/fr/observances/end-impunity-crimes-against-journalists
https://www.amnesty.org/fr/documents/ior40/5179/2022/fr/
https://international-review.icrc.org/sites/default/files/S0035336100127765a.pdf
https://international-review.icrc.org/sites/default/files/S1560775500180095a.pdf