1. Présentation de la loi

Alors que le monde entier a le regard vissé sur la réforme controversée des retraites, le projet de la Loi Darmanin semble tomber dans l’oubli. Or, ce projet de loi sur l´immigration, initialement  annoncé en juin 2022, représente un grave danger pour les exilé.es en France. Intitulé « Pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », cette loi n’est en rien destinée à l’amélioration des conditions de vie des exilé.es, bien au contraire. 

Le mercredi 22 mars, le président Emmanuel Macron a annoncé reporter cette proposition de loi en raison des nombreuses controverses autour de la réforme. Celle-ci sera découpée en plusieurs textes et examinée d’ici quelques semaines au Sénat.

Or, dans un contexte où la xénophobie semble dangereusement s’exacerber, nous ne pouvons rester silencieux face à ce texte qui plongera les exilé.es dans une situation encore plus précaire qu’elle ne l’est déjà. Ainsi, nous nous devons de dénoncer ce projet répressif, discriminant et, qui plus est, raciste.

  1. Condamnation de la loi par de nombreuses associations

Plusieurs organisations de défense des droits humains et des droits des éxilé.es se sont déjà exprimées au sujet de cette nouvelle loi. Pour Amnesty International, cette loi “représente un recul des droits des personnes éxilées” et une “détérioration des conditions d’accueil”. La Défenseure des droits Claire Hedon, indique de son côté qu’il s’agit d’une loi “inefficace qui instrumentalise le droit au séjour.” Le collectif Uni.es contre l’immigration jetable 2023 qui regroupent de nombreuses associations, réseaux et syndicats condamne enfin une loi “déshumanisante”. Reprenons donc une à une les principales mesures problématiques portées par ce projet de loi.

  1. En quoi cette loi pose problème?

La loi Darmanin, c’est tout d’abord la systématisation des OQTF et des IRTF pour les sans papiers et les étrangers ne respectant pas les valeurs de la République et commettant des infractions sur le territoire national ». Pour rappel, l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) est une décision prise par le préfet, notamment en cas de refus de délivrance de titre de séjour ou de séjour irrégulier en France. Si vous êtes concerné, elle vous oblige à quitter la France par vos propres moyens dans un délai de 30 jours. Il existe aujourd’hui des recours possibles face à une telle décision, qui seraient réduits si la loi passait.

L’interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) est une décision prise par le préfet en lien avec l’obligation de quitter le territoire français. Cette systématisation de l’éloignement des étranger.res du territoire français serait, de plus, complétée par un véritable système de traque. Elle serait en effet accompagnée par l’obligation d’inscrire au fichier des personnes recherchées, les étranger.es sans papier. Ces mesures ont donc pour objectif “de graver dans le marbre et de radicaliser les pratiques préfectorales arbitraires”, alerte la Cimade, en plus de véritablement criminaliser le statut d’immigré.e.

Une autre mesure controversée est celle qui vise à la coercion des prises d’empreinte et de photographie des étranger.es en situation irrégulière ou qui entreraient sur le territoire français. Il s’agit là d’une mesure dont on peut questionner la constitutionnalité.

La loi Darmanin a aussi pour projet d’ajouter de nouveaux critères pour l’attribution des cartes de séjour. En particulier, les titres de séjour seraient désormais liés aux emplois “en tension”. En plus de précariser les étranger.e, cette mesure conditionnera l’accès au carte de séjour au bon vouloir du gouvernement et des patrons.

Si la loi est votée, tous les étrangers qui demandent une carte de séjour devront également s’engager à respecter “les principes de la République”. Il s’agit d’une mesure qui avait été introduite en 2021 dans le projet de loi dit “contre le séparatisme” et qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Cette fois-ci, la mesure précise le cadre de ces fameux principes républicains : liberté personnelle, liberté d’expression et de conscience, égalité femmes-hommes, devise et symboles de la République… Mais là encore, il existe un risque d’arbitraire. En cas de rejet d’un de ces principes, les préfectures pourront refuser, retirer ou ne pas renouveler la carte de séjour. Ces refus de renouvellement et le retrait de la carte de résident seraient également possibles « en cas de menace grave pour l’ordre public ».

Ensuite, la loi Darmanin prévoit la suppression de la collégialité des juges pour l’examen des recours en demande d’asile auprès de la Cour national du droit d’asile. La CNDA, c’est la cour qui examine les recours des demandeurs et demandeuses d’asile dont la demande a été rejetée par l’OFPRA (l’office français de protection de protection des réfugiés et apatrides). Désormais, un seul juge pourra juger des situations complexes et sensibles des éxilé.es, limitant l’impartialité des décisions et augmentant le risque d’arbitraire.  

La loi porte enfin la volonté de mettre fin à la détention de mineurs dans les CRA, une demande de longue date des associations. Serait-ce là son seul point positif ? En réalité, la mesure reste critiquable et très limitée : elle ne concernerait pas les mineurs de 16 à 18 ans ni les LRA (les locaux de rétention administrative, où des jeunes sont aussi détenus) ni les zones d’attente, ni les mineurs détenus à Mayotte. En résumé, des mineurs continueront à être détenus dans des centres de privation de liberté, ce qui est tout bonnement contraire au droit international.

  1. Un déni supplémentaire des DH

En plus, d’être à l’origine de mesures répressives, la loi Darmanin constitue un déni supplémentaire aux droits des exilé.es assurés par les conventions internationales.

Cette réforme conduirait à accentuer encore plus le fait que les étranger-e-s en France sont considéré-e-s comme une population de seconde zone, privée de droits, précarisée et livrée à l’arbitraire du patronat et des détenteurs du pouvoir. Cela constituerait une violation des droits protégés par les conventions internationales qui sont ceux de l’asile, du droit de vivre en famille, de l’accueil des femmes et des personnes LGBTIA+ victimes de violences…

  1. La loi Darmanin: le parti pris du pôle calais

Dans un pays où les citoyens prônent fièrement leur devise égalité-liberté-fraternité, il semble plus qu’important de remettre en question ce projet de loi. Où se trouve l’égalité lorsque les éxil.es sont utilisé.es comme une vulgaire main d’œuvre à la merci des employeurs des métiers sous tensions? De quelle liberté parle-t-on lorsque nous sommes sur le point d’accepter un système de traque dans notre pays et d’imposer la prise d’empreintes d’individus SANS leur consentement? Comment osons-nous parler de fraternité alors que l’Etat ne cesse de bafouer le droit d’asile des étranger-ères?

En effet, ce projet de loi française sur l’immigration confirme l’hostilité omniprésente de l’État envers les étranger-ers dans un contexte où le racisme semble être de plus en plus normalisé. Pourtant, le rejet de l’autre et la peur d’accueillir ne peut justifier l’instauration d’une telle loi xénophobe. Car, rappelons le, la xénophobie se définit comme une réaction d’hostilité ou de haine pour les étranger.es. Or, ne devrions nous pas, au contraire, promouvoir la solidarité au sein de notre pays et améliorer les conditions d’accueil? Car, oui, la France a la capacité d’accueillir et bien plus que ce qu’elle prétend. (explication dans un prochain article sur le livre “on ne peut pas accueillir la misère du monde”)