À la veille de la fin de l’année, pendant les recherches de stages et l’élaboration des projets de vacances estivales, Espolidarité souhaite communiquer à nouveau sur un syndrome que l’on rencontre de plus en plus régulièrement : le White Saviorism ou le syndrome du sauveteur blanc (terme introduit par l’auteur nigéro-américain Teju Cole dans son essai The White-Savior Industrial Complex, 2012). Vous avez probablement ne serait-ce qu’une fois vu passer sur vos réseaux sociaux une photo d’un étudiant ou d’une célébrité en compagnie d’enfants tout sourires dans un décor champêtre de l’Afrique subsaharienne.
Ces quelque lignes ne sont en aucun cas une attaque qui viserait tous.tes celles et ceux ayant pour projet de faire de l’humanitaire à l’étranger. Elles correspondent plus exactement à une mise en garde pour éviter de reproduire des schémas condescendants ainsi que pour apporter une aide à la fois utile et concrète.
Petit manuel comportemental du sauveteur blanc
Le White Saviorism est un complexe de supériorité, d’un individu blanc envers un individu non-blanc. Le premier pense avoir la capacité, venant d’un pays riche, non seulement de venir en aide au second mais aussi et surtout de le sauver, de changer son existence. Évidemment, le sauveteur est dans une illusion qu’il a lui-même créé en se pensant capable d’être utile sans formation préalable.
Une fois son forfait accompli, le sauveteur prendra une photo entouré des populations en difficulté charitablement aidées et la publiera sur les réseaux sociaux. Iel espérera ainsi en retour que ses pairs réagissent à sa photo sur Instagram et être ainsi considéré.e comme une personne grandement humaine, altruiste et solidaire, là où il n’y a qu’hypocrisie, ostentation et égocentrisme.
En réalité, des vacances à l’étranger pour y rencontrer une forme de pauvreté plus “exotique” que celle que l’on voit tous les jours dans la rue n’a rien d’un voyage humanitaire. Pas besoin de néo-colonialisme pour aider son prochain. Pour une courte définition du terme, le néo-colonialisme correspond a une politique impérialiste d’une ancienne puissance coloniale envers une ancienne colonie, politique qui peut prendre plusieurs forme allant de la corruption financière au paternalisme en passant par la contre-insurrection. En effet, ces voyages alimentent l’idée que les pays moins développés soient dépendants du bon-vouloir occidental. Leur voyage serait alors une réparation (plus pour leur conscience que dans les faits) des dégâts causés par la colonisation, (en quelque sorte un retour sur les lieux du crime pour cacher les cadavres). Apparaît une logique néo-colonialiste dans la mesure où les populations en difficulté sont totalement infantilisées, et que les saviors les pensent dépendantes de leurs voyages.
Comment éviter ce genre de comportements ?
Tout d’abord l’initiative de prendre sur son temps personnel pour aider des populations en difficulté est honorable quand elle est sincère. Il est des populations en difficulté partout à travers le monde, la pauvreté ne connaît pas de frontière. Il est vrai que les pays moins développés ont besoin de l’aide de la communauté internationale, aide qui peut notamment être apportée par les ONG. Si vous êtes sincèrement sensibles à une cause à l’étranger, toute l’asso vous invite à approfondir vos connaissances et votre investissement.
Partir certes, mais partir de manière utile. Évitez le “volontourisme”, l’associatif humanitaire qui n’est en fait une excuse au voyage vers des contrées lointaines. Soyez sûr.e.s de partir avec des connaissances qui apporteront une utilité sur le terrain. Les organisations sur place disposent déjà de nombreux moyens, et en raison de cette “aide extérieure”, les initiatives locales ne peuvent résoudre d’éventuels problèmes par elles-mêmes. Si vous ne savez pas par où commencer et que le sujet fait réellement écho en vous, de nombreux centres de recherches et observatoires en tout genre publient des rapports sur les crises humanitaires, à l’image de l’International Observatory of Human Rights .
Prenez soin de choisir une association fiable, qui vous propose non seulement d’aller sur le terrain mais aussi une formation, afin que vous sachiez comment vous comporter et de quelle manière vous pourriez être le ou la plus utile. Pour limiter la superficialité de vos actions, nous vous conseillons aussi de partir sur un temps long (au moins plusieurs mois), afin que vous maîtrisiez mieux les enjeux de la crise que vous combattez et que votre expérience soit profitable pour les associatifs et les populations sur place. Cette préparation en amont vous permettra d’éviter de tomber dans les stéréotypes des villes de l’hémisphère sud composées exclusivement de bidonville et dont les habitants souffrent d’une famine permanente, quoi qu’il ne faille pas minimiser l’importance des situations humanitaires dans ces régions.
N’oubliez pas avant tout que des crises humanitaires – de plus petite ampleur certes – se déroulent à nos portes et qu’il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour trouver une situation dans laquelle votre aide sera la bienvenue.