Philippe Vigier, Ministre délégué chargé des Outre-mer

Ce jeudi 5 octobre, le ministre délégué chargé des outre-mer Philippe Vigier annonçait, suite à la pénurie d’eau qui touche Mayotte, que l’état allait prolonger jusqu’à la mi-octobre la distribution gratuite de bouteilles d’eau. Cette mesure a été prise à la suite d’une importante vague de sécheresse qui touche l’archipel depuis le début de l’année, et qui impacte dangereusement la vie et la santé des habitants.

L’archipel situé dans l’océan Indien a déjà connu des périodes de sécheresses par le passé, néanmoins celles-ci ne sont pas comparables à la situation actuelle, en raison de nombreux facteurs.

En effet Mayotte, comme beaucoup d’autres zones maritimes situées proches de l’équateur, (entre le tropique du capricorne et l’équateur) fait partie selon le GIEC des premiers territoires qui auront à faire face aux conséquences du dérèglement climatique. Ainsi selon les scénarios les plus alarmistes la température moyenne à Mayotte devrait atteindre les 32 degrés avant 2100. En plus des températures, les précipitations devraient également être fortement impactées, avec des risques d’inondations ou de périodes de sécheresses intenses alternées. Ce dérèglement aura aussi des conséquences sur les phénomènes météorologiques puisque les cyclones devraient augmenter en intensité.

L’île de Mayotte, où 300 000 personnes subissent une crise de l’eau depuis des mois. |
INFORGRAPHIE / OUEST FRANCE

Malgré ces prévisions alarmistes, la situation actuelle n’est pas uniquement due aux problématiques environnementales. En effet, il existe également des difficultés sociales ainsi que des défis liés au vieillissement des infrastructures.

Ainsi on remarque que malgré le fait que l’archipel soit le plus petit département d’outre-mer, c’est aussi celui qui connaît la plus grosse croissance démographique et ce en raison des importantes vagues de migrations provenant des Comores. Cette explosion démographique est malheureusement accompagnée d’un fort taux de pauvreté dans la population, en effet en 2022 plus de 77% de la population vivait sous le seuil de pauvreté, rendant difficile l’accessibilité à certains biens du quotidien pour la majorité des Mahorais. D’autant que plus que le département le plus pauvre de France connaît une hausse des prix exponentielle des produits de première nécessité, rendant par exemple l’achat de bouteilles d’eau quasiment impossible pour la population mahoraise.

En plus des difficultés économiques qui touchent l’archipel, les habitants doivent aussi faire face à des infrastructures qui ne sont plus adaptées. En effet, malgré la construction de grande retenue d’eau, le service d’eau potable connaît des difficultés en raison des fortes sécheresse qui ont touchés la région cet été. Selon certaines prévisions les deux bassines qui fournissent l’archipel devraient être vides d’ici la fin du mois octobre, alors même que les coupures d’eau sont de plus en plus courantes. Dans certaines villes, en plus des coupures régulières, les habitants sont privés d’eau courante 3 jours par semaine. Selon les autorités locales, en raison du système de tuyauteries défectueux, plus de 30% de l’eau potable est perdu dans la nature. Dans certains cas les habitants se sont retrouvés avec une eau courante impropre à la consommation, ce phénomène serait lié aux usines de désalinisation qui ne seraient pas suffisantes pour gérer les besoins de la population.

“la situation actuelle aurait pu être évité si des mesures préventives avaient été mis en place précédemment, heureusement l’état s’est rendu compte de ses erreurs passés et des mesures à court et long terme ont été prise pour régler la situation”.

Estelle Youssouffa, députée de Mayotte

Tous ces facteurs nous amènent aujourd’hui à l’orée d’une crise de l’eau qui à terme pourrait mener à une crise sanitaire. Les différents services de santé de l’archipel mettent en garde les autorités face à la recrudescence des cas de déshydratation chez les jeunes enfants et surtout aux risques d’épidémies de fièvre typhoïde et de choléra. En plus de cela la forte fracture sociale présente parmi la population risque d’accentuer le risque d’épidémie. Aujourd’hui une grande partie des mahorais n’ont pas les moyens ou l’occasion de se procurer de l’eau potable, poussant certaines personnes à utiliser de l’eau impropre à la consommation, et ce malgré les mises en garde des autorités locales.

Comme nous l’avons montré jusqu’à présent, la crise actuelle résulte de la convergence de crises plus globales, d’ailleurs comme le disait la députée de Mayotte Estelle Youssouffa “la situation actuelle aurait pu être évité si des mesures préventives avaient été mis en place précédemment, heureusement l’état s’est rendu compte de ses erreurs passés et des mesures à court et long terme ont été prise pour régler la situation”.

Des soldats aident à distribuer les 600 000 litres d’eau en packs à Longoni aux personnes les
plus vulnérables. | CHAFION MADI / AFP

Parmi les mesures prises par l’État, on peut parler de la prolongation de la distribution d’eau jusqu’à la fin du mois de novembre et dont le but est d’augmenter le nombre des bénéficiaires de cette offre à plus de 110 000 d’ici la fin de l’échéance. En plus de cette mesure, la première ministre Madame Elisabeth Borne à annoncer que l’état allait prendre en charge les factures d’eau des habitants et ce jusqu’au mois de décembre. Ces solutions à court terme ont principalement pour but d’appuyer les efforts des autorités locales dans la gestion de la crise, dans le même but on peut aussi noter que la commission européenne est en discussion pour valider l’achat et la distribution d’eau gratuite pour venir en aide au département Français. En parallèle de ces aides économiques et matérielles, une aide sanitaire est mise en place pour prévenir toutes épidémies, puisque ce n’est pas moins d’une trentaine de personnels soignants qui sont venus renforcer les effectifs surchargés du centre hospitalier de Mayotte.

Retenue collinaire de Combani vue du ciel

Pour éviter des situations analogues dans le futur certaines politiques publiques à long terme ont été relancées ou renforcées, on peut prendre par exemple la réouverture des discussions sur la reprise des travaux de la troisième retenues collinaires dont le projet est bloqué depuis plus de 20 ans, suite à des différends avec les propriétaires terriens. En plus de cela d’importante campagne de prévention contre le gaspillage d’eau potable devrait être mise en place dans les centres urbains pour éviter que ce soit les zones en périphéries qui en subissent le plus les frais.

Néanmoins on peut arguer que malgré toutes ces mesures prises la situation dans les années à venir est incertaine en raison des importantes perturbations météorologiques perpétuées par le dérèglement climatique.

Espotropique vous promet de vous tenir au courant concernant la crise de l’eau qui touche Mayotte.

Joseph Mouton